Crypto-actifs : une règlementation mondiale en pleine mutation

La régulation des crypto-actifs connaît une accélération sans précédent à l’échelle mondiale. Entre le règlement MiCA en Europe, les initiatives américaines en matière de stablecoins et les nouveaux cadres mis en place en Asie et en Amérique latine, les gouvernements cherchent à concilier innovation, sécurité des marchés et protection des investisseurs.
Pour les entreprises, ces évolutions ouvrent des opportunités de développement mais imposent aussi des exigences de conformité de plus en plus complexes. Dans ce contexte mouvant, les acteurs du secteur doivent anticiper les impacts de ces nouvelles règles sur leurs modèles économiques et leurs stratégies internationales.
Les membres du réseau Lexing® dressent un tableau de la situation actuelle à travers le monde.
Les pays suivants ont contribué à ce numéro : Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Chine, Espagne, Grèce, Hong Kong, Inde, Mexique, Portugal, Roumanie, Singapour, Suède, USA (Est), USA (Ouest).
FREDERIC FORSTER
Vice-président du réseau Lexing® et Directeur du pôle Télécommunications et Communications numériques du cabinet Lexing
Jusqu’en mars 2024, l’Argentine ne disposait pas de règlementation spécifique sur les crypto-monnaies. Le Code civil et commercial argentin les qualifiait d’actifs incorporels ayant une valeur patrimoniale, et non comme de la monnaie légale ou des valeurs mobilières. Puis, un tournant majeur est alors intervenu : la Commission nationale des valeurs mobilières (CNV) a publié la Résolution n° 994/2024 (GR 994), qui a instauré pour la première fois un régime d’enregistrement obligatoire pour les prestataires de services sur actifs virtuels (PSAV). Ce cadre a ensuite été élargi et renforcé par la Résolution n° 1058/2025 (GR 1058), qui a non seulement clarifié le champ d’application des activités des PSAV, mais a aussi imposé des exigences plus strictes.
Loi 25.246
La transformation réglementaire a débuté en 2024 avec la réforme engagée par la loi 25.246, qui a introduit des définitions claires et un cadre spécifique pour les PSAV sous l’égide de l’Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux (« Autorité LBC»). Cette réforme a considérablement élargi les responsabilités des PSAV dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La règlementation définit les actifs virtuels comme des représentations de valeur transférables numériquement, qui ne sont pas considérées comme ayant cours légal, et les PSAV comme des personnes assujetties à l’Autorité LBC.
Supervision de la CNV : RG 994 et registre des PSAV
Début 2024, la résolution GR 994 de la CNV a mis en place un registre obligatoire pour tous les PSAV exerçant des activités en Argentine. Ce registre permet à la CNV de surveiller ces activités, et fixe, pour ce faire, des critères clairs afin de déterminer si un prestataire doit effectivement s’enregistrer. Les activités réglementées incluent :
- i) l’échange entre actifs virtuels et monnaies fiduciaires ;
- ii) l’échange entre actifs virtuels ;
- iii) le transfert d’actifs virtuels ;
- iv) la garde et/ou l’administration d’actifs virtuels ;
- v) les services financiers liés aux offres d’actifs virtuels.
Maturation de la réglementation argentine des PSAV : GR 1025 et GR 1058
En octobre 2024, la CNV a publié un projet de règlement soumis à consultation publique par le biais de la résolution générale 1025 (« RG 1025»), visant à promouvoir la transparence et la protection des consommateurs, des domaines jusque-là négligés dans ce secteur.
En mars 2025, la CNV a consolidé et élargi la résolution GR 1025, par une résolution GR 1058, qui a établi officiellement le régime réglementaire pour les PSAV. Une innovation majeure introduite par la GR 1058 a été l’imposition d’exigences strictes en matière de cybersécurité, qui rendent désormais obligatoires des systèmes robustes, des audits et des obligations de déclaration d’incidents afin de protéger les utilisateurs et d’assurer l’intégrité des opérations.
La résolution RG 1058 classe les PSAV en cinq catégories :
- catégorie 1 : échange entre actifs virtuels et monnaies fiduciaires ;
- catégorie 2 : échange entre différents actifs virtuels ;
- catégorie 3 : transfert d’actifs virtuels ;
- catégorie 4 : garde et/ou administration d’actifs virtuels.
- catégorie 5 : services financiers liés aux offres d’actifs virtuels.
Les PSAV sont tenus satisfaire les exigences suivantes :
- présence locale: les PSAV immatriculés à l’étranger doivent se conformer à la loi argentine sur les sociétés et, à ce titre, soit s’inscrire au Registre public du commerce en vertu de l’article 123 de ladite loi, soit établir une succursale, un bureau ou une autre représentation permanente conformément à l’article 118 du même texte ;
- valeur nette minimale: lors de l’enregistrement, les PSAV doivent prouver qu’ils atteignent bien la valeur nette minimale correspondant à leur catégorie. Lorsque plusieurs catégories s’appliquent, le seuil le plus élevé doit être respecté :
- catégories 1, 2 et 4 : 150 000 USD ;
- catégorie 3 : 75 000 USD ;
- catégorie 5 : 35 000 USD ;
- politiques de cybersécurité : les PSAV doivent adopter des politiques informatiques et de cybersécurité, telles que des procédures internes de gestion des risques cyber. Celles-ci doivent être documentées et faire l’objet d’audits indépendants annuels ;
- séparation des fonds: les PSAV doivent assurer une stricte séparation entre les fonds des clients et leurs fonds propres, par la mise en place d’un système clair d’identification et la tenue de registres ;
- délégation à des tiers: la garde et/ou l’administration des actifs des clients peut être déléguée, à condition que ces services soient effectués par des portefeuilles ouverts. Les activités déléguées doivent être régies par des accords garantissant l’accès à toutes les informations nécessaires pour la conformité réglementaire. La délégation à un PSAV étranger n’est permise que si cet organisme est soumis à la supervision de son autorité nationale ;
- rapports systématiques: les PSAV doivent soumettre des rapports périodiques à la CNV, sur une base mensuelle et annuelle. Ces rapports concernent les détails des portefeuilles, la base de clients, les volumes de transactions, et les actifs virtuels les plus échangés ou gardés ;
- restrictions publicitaires : il est interdit aux PSAV de promouvoir des activités liées aux marchés de capitaux ou d’en faire de la publicité, et inversement. Ils ne peuvent également pas intermédiariser ou offrir des actifs virtuels assimilés à des valeurs mobilières sauf autorisation ;
- offre d’actifs virtuels: seuls les actifs virtuels existant depuis plus de 90 jours peuvent être proposés ; les actifs virtuels existant depuis moins de 90 jours peuvent être proposés uniquement si leur existence plus courte est expressément divulguée avec les risques de volatilité associés ;
- obligations de transparence: les PSAV doivent maintenir et divulguer une structure tarifaire transparente applicable aux services fournis aux clients particuliers ;
- blocage de sites web : la CNV est habilitée à demander aux autorités judiciaires de bloquer les sites web exploités par des entités qui mènent des activités de PSAV sans enregistrement approprié.
PABLO A. PALAZZI
&
JORGE I. MAYORA
&
VICTORIA S. CASTRO
Introduction
« A partir de ce moment-là [c’est-à-dire, à partir de la publication de l’article « Bitcoin: A Peer-to-Peer Electronic Cash System » (1) par Satoshi Nakamoto], la technologie blockchain a commencé à susciter de plus en plus d’attention. Ce qui avait commencé comme un moyen d’enregistrer de façon indélébile le moment de création d’un document numérique a évolué au point d’être désormais considéré comme une technologie à usage général, avec le potentiel d’influencer divers secteurs de l’économie » (2).
C’est en ces termes que la juge Renata Baião, une personnalité de référence en matière de cryptomonnaie dans le milieu judiciaire au Brésil, a mis en lumière, dans un mémoire (3), l’expansion de l’utilisation de la blockchain, et souligné que son utilité peut être « intensément expérimentée pour les applications les plus diverses », dépassant clairement le champ restreint des crypto-monnaies.
Même si les crypto-monnaies – qui sont apparues avec l’idée de construire un système financier décentralisé indépendant des institutions traditionnelles – n’étaient pas totalement exclues des réglementations étatiques, la construction d’un cadre juridique spécifique capable d’en réglementer l’usage s’est imposé comme inévitable à mesure que la connaissance de la blockchain s’est développée et que son utilisation s’est répandue, que ce soit par le biais du Bitcoin, des jetons non fongibles (NFT) ou des contrats intelligents.
Réglementation
Dans son mémoire, la juge Renata Baião relate le processus réglementaire brésilien jusqu’à la promulgation de la première loi traitant de la question. Tout d’abord, en 2019, l’Administration fiscale fédérale brésilienne a émis l’Instruction normative n° 1.888 (4) établissant l’obligation de déclarer au Secrétariat spécial des recettes fédérales du Brésil (RFB) les informations relatives aux transactions impliquant des crypto-actifs.
Par la suite, la Commission brésilienne des valeurs mobilières (CVM) a émis un Avis d’orientation n° 40 (5) qui comporte des définitions et des classifications des crypto-actifs, guidant ainsi les acteurs du marché sur la catégorisation juridique des différentes opérations, ainsi que sur les risques et avantages de chaque catégorie.
Autre étape réglementaire significative intervenue en 2022 : la promulgation de la Loi ordinaire n° 14.478 (6), qui a établi des lignes directrices générales pour la prestation de services liés aux actifs virtuels. Deux de ses dispositions méritent une attention particulière :
- l’article 3, qui définit un actif virtuel comme « une représentation numérique de valeur pouvant être échangée ou transférée électroniquement et utilisée pour effectuer des paiements ou à des fins d’investissement ». De fait, sont expressément exclues les monnaies souveraines, les points de programmes de fidélité et les actifs représentés en réaux brésiliens ou autres monnaies émises par un gouvernement ;
- l’article 4, qui prévoit que la prestation de ces services doit se conformer aux paramètres fixés par l’organisme ou l’entité de l’administration publique fédérale désigné par un acte du pouvoir exécutif.
Toujours dans son mémoire susmentionné, la juge conclut que « bien que la réglementation des crypto-actifs au Brésil n’ait pas expressément abordé la validité des transactions effectuées, il est possible de comprendre que la réglementation existante reconnaît cette nouvelle catégorie d’actifs », leur conférant ainsi, quoiqu’indirectement, un degré de légitimité juridique.
Droit pénal
Le cadre réglementaire de 2022 a, dans le même temps, apporté des changements significatifs à la matière pénale, en intégrant les actifs virtuels dans le droit pénal brésilien.
Tout d’abord, le Code pénal (7) inclut désormais un article 171-A, qui criminalise la fraude commise via des actifs virtuels, des valeurs mobilières ou des actifs financiers. Est visée la conduite consistant à « organiser, gérer, offrir ou distribuer des portefeuilles ou à intermédiariser des opérations impliquant des actifs virtuels, des valeurs mobilières ou tout actif financier dans l’intention d’obtenir un avantage illicite, au détriment d’autrui, en induisant ou en maintenant quelqu’un dans l’erreur, par artifice, ruse ou tout autre moyen frauduleux ».
Ensuite, peines prévues pour les crimes contre le système financier national (8), les fameux « crimes en col blanc », tels que la gestion frauduleuse, le détournement d’actifs, la manipulation des registres comptables et la diffusion de fausses informations ont été l’appliquées aux personnes morales qui fournissent des services d’intermédiation, de négociation ou de garde d’actifs virtuels aux institutions financières.
Enfin, la loi n° 9.613/1998 (Loi anti-blanchiment (9)) a été modifiée afin d’y inclure de nouvelles dispositions. Les ajouts concernent, notamment, l’augmentation de la peine d’un tiers à deux tiers pour le crime de dissimulation d’actifs, de droits et de valeurs lorsqu’il est commis de manière répétée, par une organisation criminelle, ou avec des actifs virtuels. En outre, les prestataires de services d’actifs virtuels ont été intégrés à la liste des « personnes soumises au mécanisme de contrôle anti-blanchiment » : en conséquence, ils sont tenus de mettre en œuvre des politiques de conformité, de maintenir à jour les dossiers des clients, de surveiller les transactions suspectes et de s’enregistrer auprès de l’organisme de régulation compétent.
Ces modifications apportées au droit pénal traduisent la détermination du législateur brésilien à adapter le système juridique national à la nouvelle réalité technologique du pays, notamment par le renforcement des mécanismes de prévention et de répression des infractions commises au moyen d’actifs virtuels.
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(1) NAKAMOTO, Satoshi. A Peer-to-Peer Electronic Cash System. 2008. https://bitcoin.org/bitcoin.pdf
(2) BAIÃO, Renata Barros Souto Maior. Blockchain como fonte de prova. 146 f. 2023. Thèse de doctorat. Mémoire, Center for Studies in Economic and Social Law. São Paulo
(3) Renata Barros Souto Maior Baião, juge à la Cour de justice de l’État de São Paulo, est une référence nationale sur des sujets tels que la blockchain, la preuve numérique et la régulation des crypto-actifs dans les procédures judiciaires
(4) RFB, Instruction normative n°1,888, 3 mai 2019 https://www.normasbrasil.com.br/norma/instrucao-normativa-1888-2019_377332.html
(5) CVM. Avis n° 40 https://conteudo.cvm.gov.br/legislacao/pareceresorientacao/pare040.html
(6) Loi n° 14.478 (6), qui sur les actifs virtuels, 21 décembre 21 2022. https://www.planalto.gov.br/ccivil_03/_ato2019-2022/2022/Lei/L14478.htm
(7) Code pénal, décret-loi n° 2,848, 7 décembre 1940. https://www.planalto.gov.br/ccivil_03/decretolei/Del2848compilado.htm
(8). Loi sur les infractions contre le système financier national n°7,492, 16 juin1986 https://www.planalto.gov.br/ccivil_03/leis/l7492.htm
(9) Loi contre le blanchiment d’argent n°9,613, 3 mars 1998 https://www.planalto.gov.br/ccivil_03/leis/L9613compilado.htm
FLAVIA M. MURAD SCHAAL
&
PEDRO ITALIANO LEAL
La Chine a introduit des réglementations visant à une interdiction totale de la cryptomonnaie. Une telle interdiction est essentiellement justifiée par des considérations relatives au maintien de la stabilité financière, à la lutte contre le blanchiment d’argent et à la sauvegarde de la souveraineté de la politique monétaire.
L’interdiction totale de la cryptomonnaie en Chine découle d’une série de textes réglementaires émis successivement par des organismes de régulation et des agences d’État.
Les avis de 2013 et 2017
L’avis de 2013 sur la prévention des risques liés au Bitcoin, publié conjointement par la banque centrale (PBOC), le ministère de l’industrie et des technologies de l’information (MIIT) et d’autres organismes, définit le Bitcoin non pas comme une monnaie mais comme une « marchandise virtuelle ». Il interdit aux institutions financières et aux sociétés de paiement de participer à toute activité commerciale liée au Bitcoin, y compris la tarification, le commerce ou la souscription de produits d’assurance liés au Bitcoin.
L’avis de 2017 sur la prévention des risques liés au financement par émission de jetons, publié conjointement par la PBOC ainsi que d’autres organismes gouvernementaux, interdit les offres initiales de jetons (en anglais « Initial coin offering » ou « ICO »), qui sont considérées comme une forme non autorisée de financement public et donc illégale. Les plateformes nationales de négociation de cryptomonnaies se ainsi sont vu donner l’ordre de cesser ces activités.
L’avis de 2021
L’avis de 2021 sur la prévention et le traitement accrus des risques liés à la spéculation sur le commerce de monnaies virtuelles, publié par la PBOC, l’Administration centrale du cyberespace et la Cour populaire suprême, traite, quant à lui, des éléments suivants :
statut juridique de la monnaie virtuelle : les monnaies virtuelles, y compris Bitcoin et Ethereum, n’ont pas cours légal ;
activité financière illégale : un certain nombre d’activités impliquant la cryptomonnaie sont qualifiées « d’activités financières illégales » ;
obligation des institutions financières : l’avis renforce l’interdiction faite à toutes les institutions financières et aux institutions de paiement non bancaires (Alipay ou WeChat Pay par exemple) de fournir, directement ou indirectement, tout service pour des transactions en monnaie virtuelle.
Interdiction du minage
L’industrie du « minage » de monnaie virtuelle a également été interdite par une directive de politique nationale publiée en 2021 par la Commission nationale du développement et de la réforme (NDRC) ainsi que d’autres départements. Cette directive vise à éliminer le minage de monnaie virtuelle du « Catalogue d’orientation pour l’ajustement de la structure industrielle » en raison de son incompatibilité avec la politique industrielle nationale du fait de sa consommation excessive d’énergie, et de son potentiel à compromettre les objectifs écologiques de la Chine.
JUN YANG
La loi grecque 5193/2025 (1), publiée au Journal officiel le 11 avril 2025, qui transpose le Règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (MiCA) (2) établit un cadre national complet pour la réglementation des crypto-actifs. Elle définit les responsabilités en matière de surveillance, fixe le système d’agrément et introduit des sanctions afin d’assurer la transparence, la protection des consommateurs et l’intégrité du marché dans le secteur des crypto-actifs.
S’agissant des autorités nationales compétentes, la loi répartit les responsabilités en fonction du type de crypto-actif concerné :
- la Commission hellénique des marchés de capitaux (HCMC) est désignée comme autorité compétente pour les offres, admissions à la négociation et publicités portant sur les crypto-actifs autres que les jetons se référant à un ou des actifs (ART) et les jetons de monnaie électronique (EMT), à condition que l’émetteur ou l’offreur ait son siège social en Grèce ou que la publicité soit diffusée en Grèce (3);
- pour les ART, la surveillance est partagée : d’un côté, la HCMC supervise les émetteurs et offreurs qui ne sont pas des établissements de crédit, des établissements de paiement ou des établissements de monnaie électronique, de l’autre côté, la Banque de Grèce supervise ces derniers lorsqu’ils relèvent du secteur financier. Dans ces cas, les pouvoirs de la Banque de Grèce s’étendent à certaines dispositions spécifiques prévues dans le Titre III du règlement MiCA, dont les exigences de gouvernance, prudentielles et de réserves, tandis que la HCMC reste responsable de l’approbation des livres blancs ainsi que d’autres obligations d’information (4).
La loi grecque confère également à ces deux autorités des pouvoirs de surveillance et de sanction renforcés : elles peuvent suspendre ou interdire des offres, des admissions, des services ou de campagnes publicitaires, ordonner la cessation d’activités non autorisées et imposer des mesures administratives telles que la révocation de licences, l’imposition d’amendes ou des interdictions de gestion (5). La prestation professionnelle de services liés aux crypto-actifs sans agrément constitue une infraction pénale, passible d’une peine d’emprisonnement (6). Les personnes physiques et morales visées par les décisions de la HCMC et de la Banque de Grèce ont un droit de recours judiciaire, et les sanctions prononcées doivent être publiées en ligne pendant au moins cinq ans, conformément à la législation sur la protection des données (7).
Enfin, la loi grecque introduit des mesures de conformité supplémentaires. Tout d’abord, les acquisitions envisagées de participations qualifiées dans des prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA) sont évalués sans référence aux « besoins » du marché, et la législation bancaire est modifiée afin d’intégrer l’émission d’ART et les services sur crypto-actifs aux activités autorisées des établissements de crédit (8). En outre, la protection des lanceurs d’alerte est étendue aux marchés des crypto-actifs (9). Par ailleurs, la HCMC et la Banque de Grèce doivent adopter et mettre en œuvre les lignes directrices et les recommandations émises par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et l’Autorité bancaire européenne (ABE) dans le cadre du règlement MiCA, assurant ainsi l’alignement de la Grèce sur l’évolution des pratiques européennes en matière de surveillance (10).
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(1) Gov. Gaz. Α’ 56/11.04.2025
(3) Art. 98 de la loi 5193/2025
(4) Art. 99 de la loi 5193/2025
(5) Art. 104 de la loi 5193/2025
(6) Art. 107 de la loi 5193/2025
(7) Art. 109–110 de la loi 5193/2025
(8) Arts. 112–113 de la loi 5193/2025
(9) Art. 114 de la loi 5193/2025
(10) Art. 115 de la loi 5193/2025
GEORGE BALLAS
&
NIKOLAOS PAPADOPOULOS
Introduction
Surnommé, le « Port aux parfums » en raison de son port naturel et du parfum de la célèbre fleur de bauhinia, Hong Kong pourrait aussi bientôt être qualifié de « Port Web3 », grâce à la mise ne place d’un cadre réglementaire clair et à une politique gouvernementale propice aux crypto-actifs.
A titre liminaire, une précision terminologique s’impose : dans les lois et réglementations de la région administrative spéciale de Hong Kong, c’est le terme « actifs virtuels » qui est employé pour désigner les crypto-actifs.
Au cours des deux dernières années, plusieurs évolutions réglementaires ont été adoptées afin de permettre l’exercice, sous supervision et sous licence, de diverses activités liées aux actifs virtuels, tout en clarifiant d’autres enjeux du secteur. Le droit hongkongais se caractérise par une approche pragmatique et souple : il n’existe pas de texte global comparable au règlement européen MiCA, mais plutôt un ensemble de lois et de règlements introduits de manière ciblée, au fil de l’évolution du marché des actifs virtuels.
Cadres réglementaires
Plusieurs autorités de régulation de Hong Kong ont contribué à l’élaboration du cadre réglementaire des actifs virtuels :
- la SFC (Securities and Futures Commission), autorité des marchés financiers, a diffusé la feuille de route réglementaire ASPIRe, destinée à encadrer les actifs virtuels liés aux valeurs mobilières et à la titrisation (1);
- le FSTB (Financial Services and the Treasury Bureau), Bureau des services financiers et du Trésor, a publié, en collaboration avec la banque centrale de Hong Kong (HKMA), la déclaration de politique LEAP 2.0, qui prévoit l’introduction de réglementations pour les activités relatives aux actifs virtuels dans le secteur bancaire et des services financiers ;
- la connotation positive des acronymes anglais ASPIRe et LEAP traduisent la volonté du gouvernement et des régulateurs hongkongais d’adopter une approche résolument progressive. (2)
De ces textes se dégage un principe commun : « mêmes activités, mêmes risques, mêmes réglementations ». Concrètement, les régulateurs examinent les activités liées aux actifs virtuels en les comparant à celles de la finance traditionnelle, puis en évaluent les risques et enfin, sur cette base, ils adaptent les règles en conséquence. Ainsi, les nouvelles réglementations sur les actifs virtuels devraient reprendre dans leurs grandes lignes celles déjà applicables à la finance traditionnelle, avec seulement quelques ajustements spécifiques. En effet, lorsque l’activité et le niveau de risque sont équivalents, seules de légères adaptations seront apportées pour tenir compte de la spécificité des actifs virtuels.
Réglementations actuelles
À l’heure actuelle, les réglementations en vigueur couvrent les activités suivantes :
- les plateformes de négociation d’actifs virtuels, y compris les bourses d’actifs virtuels ;
- la gestion de portefeuilles d’investissement qui investissent 10 % ou plus de leur actif brut dans des actifs virtuels ;
- les intermédiaires négociant ou fournissant des conseils sur les actifs virtuels ;
- l’émission ou l’offre de stablecoins.
Ces activités sont principalement encadrées par :
- l’ordonnance sur les valeurs mobilières et les contrats à terme (« Securities and Futures Ordinance (Cap 571) »);
- l’ordonnance sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (« Anti-Money Laundering and Counter-Terrorist Financing Ordinance (Cap 615) »);
- l’ordonnance sur les stablecoins (« Stablecoins Ordinance (Cap 656) »).
Toute entité qui exerce l’une des activités réglementées mentionnées ci-dessus doit impérativement obtenir une licence, selon les modalités prévues dans le texte applicable. Dans certains cas, plusieurs licences peuvent être requises. C’est notamment le cas d’une plateforme de négociation d’actifs virtuels qui propose la négociation à la fois d’actifs virtuels qualifiés de valeurs mobilières et d’actifs non qualifiés de valeurs mobilières.
Conclusion
La mesure réglementaire la plus récente est la promulgation de l’ordonnance sur les stablecoins, entrée en vigueur le 1er août 2025. Elle constitue la dernière réglementation en date encadrant les activités liées aux actifs virtuels à Hong Kong.
A l’avenir, les régulateurs de Hong Kong concentreront leur attention sur des domaines tels que la négociation d’actifs virtuels (y compris la négociation de gré à gré), la prestation de services de conservation d’actifs virtuels, et la tokenisation des actifs du monde réel. Ils prévoient également d’affiner les réglementations existantes en matière d’actifs virtuels afin de les adapter à la maturité croissante du marché et à l’émergence de nouvelles innovations.
Hong Kong offre ainsi un environnement doté d’un cadre réglementaire clair, d’une feuille de route bien définie pour l’avenir et de régulateurs engagés, opérant dans un contexte politique favorable.
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(1) SFC, feuille de route « A-S-P-I-Re » Roadmap, 19 février 2025 : https://www.sfc.hk/-/media/EN/files/ER/ASPIRe/ASPIRe-roadmap-for-Hong-Kongs-virtual-asset-market-Eng.pdf
(2) FSTB, « Policy Statement 2.0 on the Development of Digital Assets in Hong Kong », 26 juin 2025 : https://gia.info.gov.hk/general/202506/26/P2025062600269_500089_1_1750909574183.pdf
PÁDRAIG WALSH
&
JACK LEE
L’approche réglementaire de l’Inde à l’égard des cryptomonnaies a évolué au cours de la dernière décennie, passant de l’interdiction à une régulation partielle. En droit indien, les cryptomonnaies sont considérées comme des « actifs numériques virtuels ». Actuellement, le cadre qui s’applique aux cryptomonnaies, composé de dispositions en matière de fiscalité et de conformité en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, est assez nébuleux. En tout état de cause, les cryptomonnaies n’ont, à ce jour, pas cours légal en Inde.
Position restrictive initiale de la RBI
En 2018, la banque centrale indienne (la RBI) a publié une circulaire (la « circulaire RBI») (1), interdisant à toutes les banques et institutions financières placées sous sa surveillance de :
- traiter avec les particuliers ou entreprises impliqués dans les monnaies virtuelles ou de leur fournir des services ; et
- poursuivre toute relation existante avec de telles entités.
Cette circulaire, qui a eu pour effet d’exclure les plateformes d’échange de cryptomonnaies du système bancaire, a gravement perturbé leurs opérations et rendu le commerce de cryptomonnaies pratiquement impossible. La RBI a motivé cette mesure par la protection des consommateurs, la défense de l’intégrité du marché et l’existence de des préoccupations liées à l’usage illicite des cryptomonnaies.
La circulaire RBI a finalement été annulée en 2020, par un arrêt Internet and Mobile Association of India v. RBI, de la Cour suprême de l’Inde (2) La Cour a notamment souligné que « [à] ce jour, la RBI n’a pas soutenu qu’aucune des entités qu’elle régule… a subi une quelconque perte ou un quelconque effet négatif, directement ou indirectement, du fait des interactions que les plateformes d’échange de monnaies virtuelles avaient avec l’une de ces entités. »
Évolutions réglementaires ultérieures
Prenant acte de la décision de la Cour suprême, la RBI a, par notification du 31 mai 2021 (3), informé les banques et entités concernées de la levée de l’interdiction prévue dans cette circulaire, désormais annulée, tout en leur rappelant de mettre en œuvre les réglementations applicables lorsqu’elles traitent avec des entités de cryptomonnaies (procédure Know Your Customer (KYC), règles de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, etc.).
Régime fiscal des actifs numériques virtuels
Un développement significatif dans la réglementation des cryptomonnaies est intervenu avec l’introduction d’un régime fiscal complet pour les actifs numériques virtuels par la loi de finances 2022, dont les principales dispositions sont les suivantes :
- imposition sur le revenu: la loi de finances de 2022 a inséré l’article 115BBH dans la loi de l’impôt sur le revenu de 1961, imposant une taxe de trente pour cent (30 %) sur le revenu issu du transfert d’actifs numériques virtuels. Il s’agit du même niveau d’imposition que celui appliqué aux jeux d’argent ;
- retenue à la source sur les transactions : la loi de finances a également imposé (via l’article 194S) une retenue à la source d’un pour cent (1 %) sur le transfert d’actifs numériques virtuels. Cette disposition s’applique aux transactions dépassant certains seuils monétaires ;
- absence de compensation et de report de pertes: la compensation ou le report des pertes issues du commerce de cryptomonnaies sont interdits (contrairement au commerce de valeurs mobilières) ;
De ce régime fiscal transparait la volonté du gouvernement indien à traiter le commerce de cryptomonnaies de manière similaire aux jeux d’argent.
Cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent
Par une notification de mars 2023 (4), le ministère des finances indien a intégré les prestataires de services liés aux actifs numériques virtuels dans le champ d’application de la loi de 2002 sur la prévention du blanchiment d’argent (Prevention of Money Laundering Act, 2002 – PMLA). Les principales obligations de conformité que ces prestataires doivent respecter dans ce cadre sont :
- l’enregistrement auprès du FIU-IND: les prestataires concernés sont tenus de s’enregistrer auprès de l’Unité de renseignement financier de l’Inde (« FIU-IND ») en tant qu’entités déclarantes, et de signaler les transactions suspectes ;
- la mise e place de procédures KYC et de diligence raisonnable: les prestataires doivent mettre en œuvre des procédures KYC robustes et mener une diligence renforcée pour les clients à haut risque, conformément à la loi PMLA ;
- la tenue de registres: les prestataires doivent également conserver des registres complets de toutes les transactions et identités des clients pendant une période déterminée.
Début 2024, vingt-huit prestataires de services liés aux actifs numériques virtuels avaient finalisé leur enregistrement auprès du FIU-IND. Les violations de ces dispositions ne sont pas à prendre à la légère : en décembre 2023, le FIU-IND a émis des notifications de mise en demeure à neuf prestataires offshores pour défaut de conformité à la PMLA, et a sollicité le ministère de l’Électronique et des Technologies de l’information pour bloquer l’accès à leurs plateformes.
Conclusion
Bien que l’adoption d’une loi complète dédiée aux cryptomonnaies reste toujours nécessaire, les mesures existantes fournissent d’ores et déjà une structure qui légitime, en partie, le secteur des cryptomonnaies, et le soumet à une surveillance stricte. A mesure que se développent dans le monde les réglementations des cryptomonnaies, le cadre indien devrait lui aussi être continuer à se développer et mûrir, afin de s’adapter aux évolutions futures. Pour l’heure, malgré l’absence de réglementation claire sur les cryptomonnaies, la position du gouvernement indien, qui consiste à traiter la cryptomonnaie comme une classe d’actifs spéculatifs, est quant à elle, clairement établie.
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(1) Circulaire RBI/2017-18/154, 6 avril 2018
(2) 2020 SCC Online SC 275
(3) Notification RBI n° RBI/2021-22/45, 31 mai 2021
(4) Notification n° S.O. 1072(E), 7 mars 2023
SIDDHARTHA GEORGE
&
HARINI SUDERSAN
&
SATYAJIT R NAIR
Introduction
La prolifération des crypto-actifs, tels que le Bitcoin, l’Ether et les stablecoins, a remis en cause les systèmes juridiques traditionnels et incité les États à repenser leurs cadres réglementaires. Au Mexique, ce phénomène est partiellement encadré par la Loi sur les institutions de technologie financière, plus connue sous le nom de « loi fintech » (Ley para Regular las Instituciones de Tecnología Financiera), publiée au Journal officiel le 9 mars 2018. Cette loi constitue la première tentative formelle de réglementer les opérations impliquant des actifs virtuels dans le pays.
Cadre juridique : la loi fintech et la Banque du Mexique
L’article 30 de la loi fintech permet aux Institutions de technologie financière d’opérer avec des actifs virtuels, sous réserve d’obtenir l’autorisation préalable de Banxico, la Banque du Mexique. Une déclaration officielle de Banxico du 8 mars 2019, est toutefois venue limiter l’utilisation des crypto-actifs par les entités réglementées, en raison de risques systémiques associés en termes de volatilité et d’anonymat (1). Il est important de préciser que les Institutions de technologie financière ne bénéficient d’aucune assurance-dépôts au Mexique.
Cette position a été critiquée par la doctrine, pour qui « une réglementation excessivement conservatrice pourrait freiner l’innovation financière » (2). De fait, de nombreuses plateformes opèrent en dehors du système financier traditionnel, créant une insécurité juridique pour les utilisateurs et les investisseurs.
Lutte contre le blanchiment d’argent : supervision et mesures
La Commission nationale des banques et des valeurs mobilières (CNBV) assure la supervision des Institutions de technologie financière, au titre de la loi sur les institutions de crédit et de la loi fédérale pour la prévention et l’identification des opérations avec des ressources illicites. Les plateformes concernées doivent mettre en œuvre des procédures « Know Your Customer » (KYC) et signaler les transactions suspectes conformément aux normes établies par le Groupe d’action financière (GAFI).
Considérations fiscales
Conformément aux déclarations du Service d’administration fiscale (SAT), les bénéfices des transactions sur crypto-actifs sont soumis à l’impôt sur le revenu (ISR) (3). Cependant, il n’existe pas de classification comptable uniforme ni de règles claires pour la déduction des pertes, ce qui crée une insécurité juridique en matière fiscale (4). En outre, au Mexique, les transactions d’achat et de vente de cryptomonnaies sont traitées comme des opérations de troc ou d’échange de biens.
Conclusion
Si le Mexique a franchi des étapes importantes vers la régulation des crypto-actifs, le cadre juridique actuel reste limité, du fait de l’absence d’une définition juridique précise, de la position restrictive de la Banque du Mexique et de l’ambiguïté fiscale existante.
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(1) Banque du Mexique. (2019). Déclaration sur les actifs virtuels (https://www.banxico.org.mx)
(2) González de la Vega, M. (2020). “Crypto Assets and Financial Regulation in Mexico: Between Innovation and Risk.” Mexican Journal of Financial Law, 12(1), 105–120.
(3) SAT. (2021). Guide on Tax Obligations for Virtual Asset Transactions. Mexico City: Tax Administration Service.
(4) Ramírez Tovar, L. (2022). “Tax Treatment of Crypto Assets in Mexico: A Critical Analysis.” Digital Taxation and Legal Studies, 8(2), 45–67.
ENRIQUE OCHOA DE GONZÁLEZ ARGUELLES
&
RUBÉN SOTELO PANIAGUA
&
OMAR ALEJANDRI RODRÍGUEZ
Introduction
Réputé de longue date comme favorable aux crypto-actifs, le Portugal a toujours attiré investisseurs, entrepreneurs et prestataires de services dans ce domaine. Historiquement, son attractivité résidait dans l’exonération d’impôt sur le revenu des particuliers sur les plus-values à long terme provenant de la vente de crypto-actifs.
Mais la position réglementaire portugaise a progressivement évolué de manière notable. Ce changement, amorcé avec l’introduction des obligations de lutte contre le blanchiment d’argent (avec la directive européenne AML-5), se poursuit avec l’alignement sur le Règlement de l’Union européenne sur les marchés des crypto-actifs (Règlement (UE) 2023/1114, dit « MiCA »).
Pour l’heure, la mise en œuvre du règlement MiCA au Portugal n’est pas encore complète.
Paysage juridique actuel
En effet, le Portugal n’est pas encore doté de cadre juridique global ou de définition unique concernant les actifs basés sur la blockchain. Bien au contraire, la classification des crypto-actifs varie en fonction de leurs caractéristiques spécifiques, des transactions associées ou de leur utilisation. Dans certains cas, cette classification peut entraîner leur traitement en tant qu’instruments financiers, les soumettant ainsi à la réglementation existante des services financiers ou des valeurs mobilières. La qualification adoptée est faite au cas par cas.
En pratique, le patchwork réglementaire applicable aux crypto-actifs au Portugal comprend, entre autres :
- le Code portugais des valeurs mobilières (tel que modifié) (1);
- la loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (loi 83/2017, telle que modifiée) ;
- le décret-loi n° 91/2018 du 12 novembre concernant la loi sur les services de paiement et la monnaie électronique ;
- le régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués (DLT) (Règlement (UE) 2022/858, transposé par le décret-loi 66/2023) ;
- la loi sur la protection des données (2);
- le règlement sur la résilience opérationnelle numérique (DORA) (3);
- les lois pertinentes sur la protection des consommateurs.
Développements législatifs récents
Le 28 août 2025, le gouvernement portugais a approuvé deux projets de loi qui marquent les premières étapes formelles vers la mise en œuvre du règlement MiCA :
- la loi-cadre MiCA, qui établit le cadre d’application du règlement MiCA au Portugal. Elle définit les autorités nationales compétentes, les pouvoirs de surveillance et de sanction, les mécanismes de protection des utilisateurs, et instaure un régime transitoire pour les entités déjà actives sur le marché portugais ;
- la loi sur la traçabilité des crypto-actifs, qui transpose le règlement (UE) 2023/1113. Elle fixe les exigences relatives aux informations accompagnant les transferts de fonds et certains crypto-actifs. Cette mesure renforce les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML/CFT) en améliorant la traçabilité des paiements.
Une fois ces projets de loi approuvés par le Parlement et l’autorité nationale compétente désignée, le Portugal pourra commencer à traiter les dossiers d’agrément prévus dans le règlement MiCA, officialisant ainsi son passage d’un système de tolérance à un régime de licence.
Pour les prestataires de services sur crypto-actifs déjà existants (et soumis à la loi AML), la priorité est d’utiliser au mieux la période transitoire qui leur est accordée (jusqu’en juillet 2026) afin d’aligner leurs pratiques, en termes de gouvernance, d’information, etc., sur les normes MiCA afin d’assurer leur mise ne conformité. Pour les nouveaux entrants, le choix stratégique est d’attendre la mise ne place du cadre législatif complet.
Avantages concurrentiels en matière de fiscalité
La fiscalité reste l’un des atouts majeurs du Portugal pour les investissements dans les crypto-actifs. Les particuliers bénéficient d’une exonération totale sur les plus-values des crypto-actifs détenus pendant plus de 12 mois (des conditions supplémentaires peuvent éventuellement s’appliquer). Les gains à court terme sont imposés à un taux forfaitaire de 28 %.
Les entreprises opérant dans le secteur sont soumises au régime général de l’impôt sur les sociétés (CIT), qui ne prévoit pas d’exemptions ad hoc pour les revenus liés aux crypto-actifs (les contribuables à l’impôt sur les sociétés sont généralement redevables de l’impôt sur les bénéfices évalués selon les règles comptables conformes aux normes IFRS). L’impôt sur les sociétés est prélevé aux taux standards (20 % et 16 % jusqu’à 50 000 euros de bénéfices), avec des taux réduits applicables dans certaines régions du pays. Les startups, qui constituent la plus grande partie des acteurs du secteur, peuvent également bénéficier d’incitations fiscales ciblées, comme, par exemple, un traitement préférentiel des options sur actions.
Selon une jurisprudence constante, la TVA ne s’applique pas aux transactions en Bitcoin utilisés comme moyen de paiement, même si les crypto-actifs ne sont pas reconnus comme ayant cours légal.
Conclusion
Le Portugal passe ainsi d’un paysage réglementaire fragmenté à un cadre européen harmonisé, qui assure un équilibre entre l’intégrité du marché, la protection des investisseurs et l’innovation. Ce nouveau cadre, associé à un régime fiscal favorable et à un écosystème dynamique de startups, fait que le Portugal reste l’un des pays les plus attractifs d’Europe pour les projets liés aux crypto-actifs et à la blockchain.
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(1) Décret-loi n° 486/99 du 13 novembre
(2) Règlement (UE) n° 679/2016 du 27 avril, également connu sous le nom de « RGPD », et loi n° 58/2019 du 8 août.
(3) Règlement (UE) n° 2022/2554 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022.
JOÃO G. GIL FIGUEIRA
Règlement MiCA. Avec le Règlement (UE) 2023/1114 sur les marchés des crypto-actifs (dit « MiCA »), créant un cadre de surveillance uniforme, l’Union européenne a joué un rôle pionnier dans ce domaine. La Roumanie, dans la lignée de ce texte européen, s’oriente vers l’adoption d’un cadre réglementaire complet aligné sur les normes internationales.
La Roumanie a transposé le règlement MiCA par un projet d’ordonnance d’urgence (mai 2025), qui établit un système de surveillance tripartite formé de :
- l’autorité de surveillance financière (ASF), qui délivre les licences et supervise les prestataires de services sur crypto-actifs non bancaires ;
- la Banque nationale de Roumanie (BNR) dont la mission est de superviser les établissements de crédit et les émetteurs de jetons (ART/EMT) ;
- l’agence pour la numérisation de la Roumanie (ADR), en charge de surveiller l’infrastructure informatique et la conformité en matière de cybersécurité.
Mesures transitoires et clause de grand-père. Le Règlement MiCA prévoit des mesures transitoires destinées à faciliter le changement de régime applicable aux prestataires de services sur crypto-actifs (« PSCA ») existants, actuellement composé de régimes nationaux disparates, vers une structure de surveillance européenne unifiée. Ce mécanisme transitoire repose sur l’article 143(3) du règlement MiCA, communément appelé « clause de grand-père » ou « clause d’antériorité ») (en anglais, « grandfather clause »). En vertu de cet article, les PSCA existants bénéficient d’une période limitée de statu quo qui leur permet de poursuivre leurs activités jusqu’au 1er juillet 2026, sous réserve de continuer à respecter la législation nationale applicable au 30 décembre 2024. Par cette disposition, le législateur européen reconnaît les difficultés pratiques auxquelles peuvent se heurter les acteurs qui étaient déjà en activité avant le règlement MiCA, tout en s’assurant de maintenir une surveillance réglementaire durant la période transitoire. Les États membres restent toutefois libres de moduler, à leur discrétion, la durée de cette période transitoire en fonction de leurs environnements réglementaires nationaux et de leurs conditions de marché spécifiques.
Les dispositions de la clause de grand-père créent ainsi un bouclier réglementaire temporaire, grâce auquel les PSCA ont la possibilité de continuer leurs activités tout en se préparant leur pleine conformité au règlement MiCA. Cependant, cette protection transitoire s’accompagne, en retour, de fortes contraintes opérationnelles, puisque les bénéficiaires ne sont pas éligibles au passeport européen, qui constitue l’une des innovations les plus importantes introduites par le règlement MiCA pour l’intégration des marchés européens. Selon les orientations publiées par l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), la durée des périodes transitoires varie substantiellement d’un État membre à l’autre, et peuvent, dans certains pays, aller jusqu’à 18 mois. Ces durées hétérogènes créent un paysage de conformité complexe où l’urgence des demandes d’agrément MiCA dépend fortement des considérations nationales.
Régime de passeportage. Le règlement MiCA introduit un système révolutionnaire de passeport, calqué sur systèmes établis par les directives sur les services financiers, telles que MiFID II. Le principe est le suivant : une fois qu’un PSCA obtient un agrément MiCA complète auprès d’une autorité compétente dans un État membre, il acquiert le droit de « passeporter ses activités », c’est-à-dire de fournir des services dans toute l’Union européenne, sans avoir besoin de demander un licence nationale distincte dans chaque pays européen concerné. Ce système d’agrément unique représente une étape fondamentale vers l’intégration des marchés et l’efficacité réglementaire dans l’UE.
Il est important, juridiquement et commercialement, de ne pas confondre les avantages accordés par la clause de grand-père et ceux résultant du système de passeport, qui sont bien distincts. La clause de grand-père assure une continuité opérationnelle temporaire en vertu du droit national, mais ne confère pas le droit de réaliser des prestations transfrontalières. En effet, ce n’est qu’après l’obtention d’un agrément complet MiCA qu’un PSCA débloquera tout le potentiel d’accès au marché européen, via le mécanisme de passeport.
Autres textes roumains. Outre le règlement MiCA, un autre texte central en matière de crypto-actifs est la loi roumaine n°129/2019 sur la prévention du blanchiment de capitaux et de la lutte contre ce phénomène. Cette loi étend les obligations de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) et le financement du terrorisme (CFT) aux échanges de crypto-actifs, ains qu’aux fournisseurs de portefeuilles numériques et à d’autres entités effectuant des échanges entre monnaies virtuelles et fiduciaires. Aux termes de ces dispositions, ces entités sont tenues d’effectuer une procédure de connaissance de la clientèle (KYC), de tenir des registres et de signaler les transactions suspectes. L’ordonnance d’urgence n°111/2020 est venue par la suite modifier cette loi, pour renforcer les obligations relatives à l’enregistrement ou à l’agrément des fournisseurs de portefeuilles numériques et des plateformes d’échange entre crypto-monnaies et monnaies fiduciaires. Elle clarifie également les définitions contenues dans la loi et les sanctions imposées en cas de non-conformité.
Au niveau fiscal, pour les particuliers, les transactions en crypto-actifs sont imposées. Pour les entreprises, le bénéfice est imposé à 10 %, conformément à la loi n°30/2019, mais la classification comptable des crypto-actifs reste floue. De nombreuses entreprises utilisent des plateformes agréées en Roumanie, telles que Binance, car les plateformes nationales (Tradesilvania, Tokero) ne bénéficient pas d’agrément. Sur le plan de l’innovation, la Roumanie a lancé une plateforme de trading NFT détenue par l’État via l’Institut national de recherche et de développement en informatique (ICI), qui représente une initiative institutionnelle pionnière dans l’adoption de la blockchain. De son côté, l’Office national de prévention et de répression du blanchiment de capitaux (ONPCSB) a proposé une réforme législative alignée sur les règlements européens 2023/1113 (transfert de fonds) et 2023/1114 (MiCA) aux fins de renforcer les mesures AML/CFT, d’harmoniser la législation nationale avec les normes de l’UE et de promouvoir un environnement sûr pour les utilisateurs et investisseurs en crypto-actifs.
Il reste encore fort à faire : (1) concilier les obligations du RGPD avec la nature immuable de la blockchain, en particulier en ce qui concerne les droits de rectification et d’effacement ; (2) trouver le juste équilibre entre les obligations AML/KYC et le principe de proportionnalité quant à la collecte des données ; (3) harmoniser les cadres fiscaux, comptables et de reporting pour les activités des entreprises dans le domaine des crypto-actifs. De fait, des activités telles que le staking, le yield farming, la tokenisation ou la finance décentralisée (DeFi) sont moins clairement réglementées ou tombent dans des zones grises. Il n’est souvent pas évident de savoir si une activité est soumise à la réglementation financière ou uniquement aux lois AML ; et (4) protéger les consommateurs contre la fraude et les abus. Mais la Roumanie a l’opportunité de transformer ces contraintes en avantages stratégiques en prenant certaines mesures visant à la clarification du traitement comptable et fiscal des crypto-actifs, à l’adaptation des exigences AML/KYC aux principes du RGPD et à la promotion de l’innovation via des partenariats public-privé, à l’image du projet NFT de l’ICI. La réglementation des crypto-actifs n’est plus un choix, c’est une nécessité. Avec la mise en œuvre du règlement MiCA, la Roumanie est prête à offrir un environnement sûr, transparent et compétitif aux investisseurs, et à favoriser l’innovation fondée sur les technologies blockchain.
Conclusion. La Roumanie est actuellement dans une phase de transition en matière de crypto-actifs. Son arsenal juridique devient de plus en plus robuste, principalement sous l’impulsion des réglementations européennes. Le pays garantit une clarté juridique et une supervision solide qui, combinées à un marché en plein croissance, le positionnent comme un hub potentiel en Europe. Toutefois, à ce stade, tant pour les entreprises que pour les utilisateurs, la vigilance reste de mise et l’anticipation des règles à venir est essentielle pour opérer en toute sécurité et légalité dans l’environnement mouvant des crypto-actifs en Roumanie.
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https://www.investopedia.com/cryptocurrency-regulations-around-the-world-5202122
https://eur-lex.europa.eu/RO/legal-content/summary/european-crypto-assets-regulation-mica.html
https://www.juridice.ro/785846/reglementarea-criptoactivelor-in-romania.html
https://freemanlaw.com/cryptocurrency/romania/
https://blaj-law.ro/en/services/cryptocurrency/
RAUL-FELIX HODOȘ
Singapour est depuis longtemps reconnu comme l’un des principaux centres financiers d’Asie, attirant banques mondiales, investisseurs et startups grâce à son environnement propice aux affaires et à sa solide réputation en matière de stabilité et de confiance, qui aboutit à un savant mélange de stabilité financière et d’innovation.
Législation clé
La loi de 2019 relative aux services de paiement (loi « PSA ») est la législation phare réglementant la fourniture de services de paiement à Singapour, et notamment des services de jetons de paiement numériques (digital payment token, « DPT »).
Un DPT est une représentation numérique de valeur qui n’est ni libellée dans une monnaie ni adossée sur une monnaie, qui fonctionne comme un moyen d’échange accepté par le public, et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement (1). Le Bitcoin et l’Ether sont, par exemple, des DPT.
Octroi de licences
En vertu de la loi PSA, une personne qui fournit l’un des services suivants doit obligatoirement obtenir une licence de l’Autorité monétaire de Singapour (MAS) dans le cadre la fourniture de services DPT : (2)
- la négociation de DPT ;
- la facilitation de l’échange de DPT ;
- l’acceptation de DPT d’un compte DPT vers un autre compte DPT ;
- l’organisation de la transmission de DPT d’un compte DPT à un autre compte DPT ;
- l’activité d’intermédiaire pour l’achat ou la vente de DPT ;
- la sauvegarde, ou l’exécution d’instructions d’un client relatives à un DPT, lorsque le prestataire de services a le contrôle du DPT ;
- la sauvegarde d’un instrument DPT, lorsque le prestataire de services a le contrôle d’un ou plusieurs DPT associés à l’instrument DPT ; ou
- l’exécution d’instructions d’un client relatives à un ou plusieurs DPT associés à un instrument DPT, lorsque le prestataire de services a le contrôle de l’instrument DPT.
Autres exigences réglementaires
- En outre, un prestataire de services DPT est tenu de respecter, en permanence, plusieurs obligations, et doit notamment :
- maintenir le capital de base et le dépôt de garantie requis ;
- développer et mettre en œuvre des politiques robustes de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ;
- séparer et protéger les fonds des clients ;
- mettre en œuvre des mesures de gestion des risques technologiques ;
- se conformer aux exigences d’honorabilité, de connaissances, de compétences et d’expérience ;
- suivre les règles de conduite professionnelle, comprenant notamment des obligations d’information envers les clients et des procédures de traitement des plaintes.
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(1) Payment Services Act, Sec. 2(1)
(2) Payment Services Act, First Schedule
WINNIE CHANG
L’Afrique du Sud dispose d’un des cadres réglementaires les plus solides du continent africain pour les cryptomonnaies. De plus en plus de personnes, acteurs fintech innovants en tête, se tournent vers la cryptomonnaie pour les paiements, les investissements et les transferts transfrontaliers. Cette utilisation croissante soulève de nombreuses questions : la cryptomonnaie est-elle légale en Afrique du Sud ? comment est-elle réglementée ? quelles lois s’appliquent aux entreprises et aux investisseurs ? En substance, la cryptomonnaie est légale, mais son utilisation est encadrée. En effet, l’Afrique du Sud a introduit un ensemble de règles pour protéger les consommateurs, prévenir le blanchiment d’argent et rapprocher l’industrie des cryptomonnaies de la finance traditionnelle. Il est essentiel de bien connaître ces règles et de les comprendre, que l’on soit investisseur, startup fintech institutions financière établis en Afrique du Sud.
La Financial Sector Conduct Authority (FSCA)
En octobre 2022, l’Autorité des services financiers (FSCA) (1), principal régulateur dans le domaine de la cryptomonnaie en Afrique du Sud, a déclaré que les crypto-actifs étaient des produits financiers au sens de la Loi sur les services de conseil et d’intermédiation financière (FAIS). Concrètement, cela signifie que :
- les plateformes d’échange, les fournisseurs de portefeuilles, les courtiers et les autres plateformes doivent s’enregistrer en tant que prestataire de services sur crypto-actifs (PSCA) ;
- les prestataires non licenciés s’exposent à des amendes ou à une fermeture ;
- les consommateurs bénéficient d’une meilleure protection, car les prestataires doivent suivre certaines règles de conduite et de transparence.
Cette position s’inscrit dans le prolongement de l’approche adoptée, dès 2021, par l’IFWG, un collectif de régulateurs du secteur financier sud-africain (dont la FSCA), qui avait posé, dans un document (2), un cadre complet sur les crypto-actifs. Ce document, qui contient une feuille de route détaillée à destination des régulateurs sud-africains en matière de crypto-actifs, a ensuite servi de base au cadre actuel d’octroi de licences et contribué à une innovation responsable dans la fintech.
La South African Reserve Bank (SARB)
La Banque centrale sud-africaine (SARB) (3) est en charge de la stabilité financière et du contrôle des changes. Même si elle ne délivre pas directement de licences aux plateformes de cryptomonnaies, elle n’en reste pas moins un acteur important dans l’élaboration de la politique en la matière. En 2025, la Haute Cour de Pretoria (4) a statué que la cryptomonnaie n’est pas soumise aux réglementations sur le contrôle des changes, ce qui signifie qu’il est possible d’envoyer de la cryptomonnaie à l’étranger sans approbation de la SARB. Cependant, la SARB a interjeté appel de cette décision, de sorte que la loi pourrait à nouveau changer. Cela souligne à quel point la cryptomonnaie se situe à la frontière de la politique monétaire traditionnelle, et qu’il est crucial pour les entreprises de suivre les évolutions du secteur.
Le South African Revenue Services (SARS)
L’administration fiscale sud-africaine (SARS) (5) considère la cryptomonnaie comme un actif incorporel à des fins fiscales. Cela signifie que :
- les traders fréquents peuvent être imposés sur les bénéfices en tant que revenus ;
- les investisseurs à long terme peuvent être soumis à l’impôt sur les plus-values ;
- tout un chacun doit déclarer les transactions en cryptomonnaie dans sa déclaration fiscale.
Récemment, le SARS a renforcé la conformité en matière de réglementation des cryptomonnaies en Afrique du Sud (6) concernant les traders de cryptomonnaie par le « cadre de déclaration des crypto-actifs » (Crypto-Asset Reporting Framework ou « CARF »). Ce cadre, aligné sur les normes internationales fixées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), imposent aux plateformes d’échange, courtiers et fournisseurs de portefeuilles en cryptomonnaie de collecter des données détaillées sur les transactions et de les déclarer chaque année au SARS. Le champ d’application du CARF est vaste, car il couvre non seulement les cryptomonnaies traditionnelles, mais aussi les stablecoins et certains NFT. De fait, il introduit des obligations fiscales supplémentaires. Les prestataires doivent s’assurer que leurs systèmes peuvent gérer à la fois les obligations réglementaires et fiscales, car tout non-respect peut entraîner des sanctions. Le SARS ayant désormais accès à des données détaillées au niveau transactionnel, toutes sous-déclaration ou omission est risquée. Les contribuables sont encouragés à utiliser le programme de divulgation volontaire (VDP) pour régulariser spontanément toute non-conformité passée, afin d’éviter la prise de mesures coercitives.
Le Financial Intelligence Centre (FIC)
Le Centre de renseignement financier (FIC) (7) applique les règles de lutte contre le blanchiment d’argent (AML) et le financement du terrorisme. En vertu de la loi sur le Financial Intelligence Centre (FICA), les plateformes de cryptomonnaie sont désormais considérées comme des « institutions assujetties » à ladite loi. A ce titre, elles doivent mettre en œuvre une procédure KYC (Know Your Customer) afin de vérifier l’identité des clients, signaler les transactions suspectes ou inhabituelles et se conformer à la « Travel Rule », qui impose d’accompagner les transferts transfrontaliers importants de certaines informations relatives aux clients. Le but est d’éviter que la cryptomonnaie ne devienne un angle mort de la criminalité financière.
L’intérêt de connaître ces acteurs pour les fintechs et les investisseurs
Pour les acteurs fintech, la conformité avec les règles édictées par ces régulateurs est essentielle pour instaurer la confiance, attirer des clients et rester compétitifs. Pour les investisseurs, savoir que des autorités comme la FSCA, la SARB, le SARS et le FIC existent et jouent un rôle en matière de cryptomonnaie signifie que leur permet d’échanger et d’investir avec plus de confiance.
Conclusion et recommandations
La réglementation des cryptomonnaies en Afrique du Sud ne vise pas à interdire la cryptomonnaie ; elle vise à l’intégrer de manière sûre, transparente et digne de confiance dans le système financier. Dans ce contexte, il est recommandé :
- d’utiliser des prestataires agréés ;
- de déclarer ses gains au SARS ;
- de suivre les mises à jour de la SARB sur le contrôle des changes ;
- de mettre en place une veille pour rester informé des dernières réglementations de conformité et des solutions pratiques en matière de cryptomonnaies (8).
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(1) https://www.fsca.co.za/Pages/Default.aspx
(2) https://www.michalsons.com/blog/crypto-regulations-in-south-africa/56081
(3) https://www.resbank.co.za/en/home
(4) https://www.saflii.org/za/cases/ZAGPPHC/2025/481.html
(6) https://www.moneyweb.co.za/moneyweb-crypto/sars-tightens-its-grip-on-crypto-traders/
(8) https://www.michalsons.com/event/webinar-cryptocurrency-regulation-around-the-world
JOHN GILES
southafrica@lexing.network
Avec l’entrée en vigueur du Règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (MiCA), le marché des crypto-actifs a franchi une nouvelle étape. L’Espagne dispose désormais d’un cadre juridique solide qui apporte sécurité tout en ouvrant, dans le même temps, la voie à de nouvelles opportunités commerciales.
Un cadre réglementé et sûr. Jusqu’à présent, le cadre espagnol reposait sur trois piliers : l’inscription à la Banque d’Espagne pour l’échange et la conservation de crypto-actifs (loi 10/2010), la Circulaire 1/2022 de la Commission nationale du marché des valeurs mobilières (CNMV) relative à la publicité des crypto-actifs, et la loi sur le marché des valeurs mobilières pour les jetons considérés comme instruments financiers. Avec le règlement MiCA, ce cadre est clarifié : les prestataires de services sur crypto-actifs (PSAN) doivent être agrées par la CNMV et pourront fournir leurs services dans toute l’Union européenne.
Le rôle de la CNMV. La CNMV joue un rôle pivot. Elle autorise et supervise les nouveaux prestataires de services, demande des rapports mensuels sur les opérations (y compris celles réalisées sur blockchain), contrôle la publicité et tient à jour les listes de « placements frauduleux ». De son côté, la Banque d’Espagne supervise l’émission et le contrôle des jetons de monnaie électronique (EMT) et des jetons se référant à un ou des actifs (ART).
Le calendrier MiCA en Espagne. L’Espagne a réduit la période transitoire prévue dans le règlement MiCA à 12 mois : les entités déjà enregistrées auprès de la Banque d’Espagne ou qui fournissaient des services crypto avant le 30 décembre 2025 ne pourront continuer à opérer que jusqu’à cette date. À partir de 2026, seules les entités disposant de l’agrément MiCA pourront exercer légalement. En outre, l’Autorité bancaire européenne (ABE) a précisé que les plateformes qui gardent ou transfèrent des stablecoins pourraient également nécessiter une licence d’établissement de paiement ou de monnaie électronique à partir de mars 2026.
Bac à sable : l’innovation supervisée. Depuis 2020, l’Espagne dispose d’un bac à sable financier géré par la CNMV, la Banque d’Espagne et le Trésor, grâce auquel les entreprises et les startups peuvent tester des projets innovants de blockchain et de crypto-actifs sous supervision réglementaire. A la clé : une réduction des risques juridiques et un renforcement de leur crédibilité auprès des investisseurs et partenaires stratégiques.
Tokenisation : exemples concrets en Espagne. Au-delà des cryptomonnaies, l’Espagne compte déjà des projets de tokenisation validés juridiquement :
- Beself Brands : premier cas de tokenisation de 100 % du capital social d’une société non cotée ;
- Reental : leader de la tokenisation immobilière, avec plus de 30 millions d’euros d’actifs tokenisés, projets de flipping à Madrid et marchés secondaires décentralisés ;
- OpenBrick: projet d’émissions immobilières tokenisées d’une valeur de 6 millions d’europs, avec un objectif de 500 millions d’euros en trois ans ;
- Minos Securities (Prosegur): première agence de valeurs mobilières tokenisée autorisée par la CNMV, permettant d’émettre et de conserver des dettes, billets à ordre et fonds sur blockchain ;
- Bit2Me STX : issu du bac à sable, a lancé une bourse de valeurs basée sur blockchain, opérationnelle 24h/24 et 7j/7, sans intermédiaire.
Ces exemples montrent que la tokenisation n’est pas un concept futuriste, mais bien une réalité bénéficiant d’une sécurité juridique en Espagne, qui ouvre de nouvelles voies de financement, d’investissement et de liquidité dans des secteurs tels que l’immobilier, le capital-risque et les structures sociétaires.
MARC GALLARDO
Le marché des crypto-actifs en Suède. Le marché des crypto-actifs en Suède s’organise de plus en plus autour des produits financiers réglementés et des plateformes orientées vers l’UE. L’Autorité suédoise de supervision financière, la Finansinspektionen (« FI »), qui souhaite protéger les consommateurs, s’inquiète des risques liés au commerce de détail, en particulier ceux touchant les certificats indexés sur des crypto-actifs, pour lesquels une étude menée par la FI a montré que la plupart des traders de détail suédois ont perdu de l’argent entre 2018 et début 2024. C’est la raison pour laquelle la FI a diffusé plusieurs avertissements, formulés en des termes clairs et simples, tels que « Quatre raisons de ne pas acheter des crypto-actifs », afin de mettre en garde contre la volatilité et le risque de fraude et de rappeler aux investisseurs l’absence de protections traditionnelles dans ce domaine. Les prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA) désireux d’obtenir un agrément MiCA en Suède doivent donc être conscients que la protection des consommateurs est un des maîtres-mots qui guide la supervision des crypto-actifs dans le pays (5) (6).
La création d’une monnaie numérique suédoise (la « e-krona ») par la Banque de Suède (Riksbank) reste encore à l’état de projet. Le volet technique de ce projet pilote s’est achevé en 2023. Les travaux se poursuivent et prennent en compte les développements internationaux des monnaies numériques de banques centrales (MNBC), en particulier l’euro numérique. Sont également explorées des pistes pour garantir la résilience, notamment grâce à l’intégration de fonctionnalités de paiement hors ligne. A noter que cette couronne suédoise numérique viendrait compléter, et non remplacer, l’argent liquide. En tout état de cause, la concrétisation de ce projet reste in fine une décision éminemment politique (4).
Cadre juridique suédois. Le règlement MiCA (Règlement (UE) 2023/1114), entré en vigueur en juin 2023, régit les crypto-actifs dans les États membres de l’UE. Il s’applique donc directement en Suède. Ses règles concernant les stablecoins (jetons se référant à un ou des actifs (ART)et jetons de monnaie électronique (EMT)) ont commencé à s’appliquer dès le 30 juin 2024. Les règles plus larges couvrant les offres au public de la plupart des autres crypto-actifs et les agréments relatifs aux PSCA sont applicables, quant à elles, depuis le 30 décembre 2024 (2).
La Suède a adopté une loi complémentaire (SFS 2024:1159) pour compléter certains détails du règlement MiCA sur le plan national. Cette loi désigne explicitement la Finansinspektionen comme autorité compétente au titre du règlement MiCA. Elle précise également que les informations à communiquer et contenues dans les livres blancs en vertu dudit règlement européen relèvent de la loi suédoise sur le marketing, ces informations étant considérées comme « essentielles » pour la protection des consommateurs. Concrètement, cela signifie que toute pratique de marketing contrevenant aux livres blancs ou des services trompeurs au regard des services proposés par les PSCA peut déclencher l’application de la loi sur le marketing, en sus des procédures déjà prévues par le règlement MiCA (1).
Le règlement européen sur le transfert de fonds et de certains crypto-actifs (Règlement (UE) 2023/1113, le « TFR ») introduit des obligations dites de « travel rule » alignées sur les normes du Groupe d’action financière (GAFI). Ainsi, depuis le 30 décembre 2024, les PSCA sont tenus de collecter, de transmettre et de conserver des informations sur l’origine et la destination des transferts de crypto-actifs (quel que soit le montant) dans lesquels ils sont impliqués, en vue de permettre leur traçabilité et leur filtrage à des fins de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La mise en œuvre de ces obligations s’appuie sur les orientations émises par l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) (3).
Autorité suédoise compétente en vertu du règlement MiCA. La FI est chargée de la surveillance du règlement MiCA en Suède. Elle délivre des agréments aux PSCA, examine les notifications concernant les livres blancs (le cas échéant), et assure, de manière générale, une supervision continue. Le gouvernement et le Parlement ont entériné le rôle de la FI dans la loi nationale complémentaire susvisée, et les notes d’orientation élaborées par la FI confirment que le règlement MiCA est d’application directe en Suède et qu’il remplace les règles nationales sur les crypto-actifs. La FI est donc le principal interlocuteur MiCA des émetteurs et prestataires (1) (7) (8) en Suède.
Les jetons qualifiés d’instruments financiers (tels que certains jetons représentatifs d’un instrument financier) restent régis par le cadre européen existant applicable aux valeurs mobilières (MiFID II et Règlement Prospectus), étant précisé que la FI est responsable de l’examen des prospectus et de la surveillance du comportement sur le marché. En cela, le règlement MiCA ne change pas la règle du jeu ; il régit les crypto-actifs qui ne sont pas des instruments financiers (9).
Agrément, calendrier et période transitoire plus courte en Suède. Le régime des PSCA instauré par le règlement MiCA s’applique depuis le 30 décembre 2024. L’autorité européenne des marchés financiers (AEMF) tient un registre MiCA provisoire répertoriant les prestataires agréés et les livres blancs, et a publié des notes de supervision et des travaux dans le but de faire converger la pratique des États membres. Les données communiquées au début de l’année 2025 faisaient ressortir un nombre modeste, mais croissant, d’agréments MiCA octroyés dans l’UE (10) (11) (12).
Le règlement MiCA accorde aux PSCA qui fournissaient déjà des services avant l’entrée en vigueur du règlement MiCA une période transitoire pour se mettre en conformité. Le règlement fixe la durée par défaut de cette période à dix-huit mois, tout en laissant les États membres libres de la raccourcir. C’est ce qu’a fait la Suède, qui a choisi de réduire la période transitoire à neuf mois, ce qui signifie que les prestataires existants ne pouvaient continuer à opérer dans le pays que jusqu’au 30 septembre 2025 (sous réserve d’avoir déposé en temps utile une demande pour pouvoir bénéficier de ce régime transitoire). Depuis le 30 septembre 2025, toute fourniture des services concernés sans détenir un agrément MiCA expose donc à des sanctions. Cette courte période fait de la Suède l’un des pays les plus stricts de l’UE en ce qui concerne le calendrier de transition (1).
Émission, livres blancs et marketing. Le règlement MiCA impose aux émetteurs de la plupart des crypto-actifs autres que des ART ou des EMT de publier un livre blanc et, dans de nombreux cas, de notifier ce livre blanc à l’autorité compétente. En Suède, comme indiqué plus haut, les informations trompeuses ou incomplètes transmises dans ce cadre tombent aussi sous le coup de la loi sur le marketing, compte tenu de leur importance pour la protection des consommateurs. Il est par conséquent important pour les émetteurs et les PSCA de veiller à ce que leurs équipes juridiques et marketing travaillent de concert afin d’assurer la cohérence entre les présentations faites aux investisseurs, et les informations contenues sur leurs sites web et dans leurs livres blancs (1).
S’agissant de l’intégrité du marché, le règlement MiCA impose des règles spécifiques applicables aux abus de marché portant sur les plateformes et actifs qu’il vise. L’AEMF a publié des orientations et des consultations relatives aux connaissances et compétences attendues du personnel des PSCA, à la prévention des abus de marché et aux processus d’agrément. Les entreprises doivent se préparer à recevoir des questions de la FI s’appuyant sur ces documents européens (10) (13).
Lutte contre le blanchiment de capitaux et « Travel Rule ». La Suède appliquait déjà depuis longtemps aux entreprises de crypto-actifs des règles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux (« LBC »). Le règlement MiCA est venu parachever le dispositif national LBC déjà en vigueur. Selon la « règle de voyage » – plus connue sous son nom anglais « travel rule » – qui s’applique aux PSCA depuis le 30 décembre 2024, ces derniers doivent obligatoirement accompagner les transferts de crypto-actifs d’informations sur l’initiateur et le bénéficiaire de ces transferts, prendre des mesures de vigilance à l’égard de la clientèle, et procéder à des mesures de filtrage consistant à comparer les données collectées avec les listes de personnes ou entités sanctionnées. Les entreprises suédoises doivent également satisfaire les attentes de la FI en matière de reporting et de gouvernance et s’assurer que leurs politiques couvrent bien les risques « on-ramp » (conversion de monnaie fiduciaire en crypto-actifs) et « off-ramp » (conversion de crypto-actifs en monnaie fiduciaire), les transferts vers des portefeuilles non hébergés et les transferts transfrontaliers (3) (14).
Fiscalité : plus-values, pertes et TVA. En ce qui concerne les particuliers, la Suède considère la plupart des cessions de crypto-actifs comme des revenus de capitaux imposés à un taux forfaitaire de 30 %. Les pertes ne sont généralement déductibles qu’à 70 % des plus-values, ce qui représente une asymétrie importante pour les traders actifs. Les orientations et exemples diffusé par le Skatteverket (administration fiscale suédoise) vont en ce sens, y compris pour les NFT. En ce qui concerne les entreprises, elles peuvent être soumises à l’impôt sur les sociétés lorsque les crypto-actifs sont inscrits au bilan ou gagnés dans un cadre commercial (15) (16).
S’agissant de la TVA, aux termes de l’arrêt Hedqvist de la Cour de justice de l’Union européenne (qui a pour origine une demande de décision préjudicielle d’une juridiction suédoise) l’échange de bitcoins contre des monnaies fiduciaires constitue un service financier exonéré de la TVA en vertu de l’exonération relative à la monnaie prévue par la Directive européenne « TVA ». Cette jurisprudence continue toujours aujourd’hui de guider le traitement de la TVA en Suède et dans l’UE pour les services d’échange (17).
Les récompenses de staking, le revenu du minage et les crypto-actifs reçus à titre de rémunération sont généralement imposables comme revenus (intérêts ou revenus gagnés, selon l’activité). Il est essentiel de bien tenir ses registres et d’opérer une réconciliation au niveau du portefeuille pour optimiser ses déclarations fiscales (16).
Saisie de crypto-actifs. Fin 2024, la Suède a adopté une loi de confiscation qui a introduit une procédure de confiscation sans condamnation (la « självständigt förverkande» et mis à jour les procédures de traçage, de gel et de sanction portant sur les actifs illicites. Ces différentes procédures sont technologiquement neutres et peuvent s’appliquer aux crypto-actifs lorsqu’il apparait que leur valeur est disproportionnée par rapport aux revenus licites de la personne concernée ou sont liés à un crime. Les dispositions de la nouvelle loi ont été explicitées dans les lignes directrices publiées par le parquet suédois ainsi que dans le dossier législatif du Parlement. Les PSCA doivent s’attendre à recevoir des demandes accrues dans ce contexte et veiller à mettre en place un mécanisme leur permettant une coopération rapide et conforme avec les forces de l’ordre (18) (19) (20).
Conclusion. Exit le patchwork réglementaire applicable aux crypto-actifs en Suède. Le cadre juridique national se caractérise à présent par l’application prioritaire du règlement MiCA, sous la supervision de la FI, la mise en œuvre renforcée de la « travel rule », le lien étroit avec le droit de la consommation, et l’implémentation de mesures de confiscation. Pour les entreprises, la conformité offre le bénéfice du passeport européen et l’accès à un grand marché harmonisé. Pour les consommateurs, la vigilance reste de mise : bien connaître les risques, procéder à un examen minutieux des déclarations marketing et ne surtout pas supposer que les rendements ayant pu être réalisés par le passé se reproduiront à l’avenir. Tel est le message martelé par les autorités. Grâce aux nombreuses mesures prises, le marché suédois des crypto-actifs est désormais plus sûr, plus clair et plus institutionnalisé (1) (3).
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(1) Gouvernement suédois – SFS 2024:1159, loi complémentaire MiCA https://www.riksdagen.se/sv/dokument-och-lagar/dokument/svensk-forfattningssamling/lag-20241159-med-kompletterande-bestammelser_sfs-2024-1159/
(2) Commission européenne / EUR-Lex – Règlement MiCA (EU) 2023/1114
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32023R1114
(3) European Commission / EUR-Lex – Transfer of Funds Regulation (EU) 2023/1113
https://eur-lex.europa.eu/eli/reg/2023/1113/oj/eng
(4) Sveriges Riksbank – Projet « E-krona »
https://www.riksbank.se/en-gb/payments–cash/e-krona/
(5) Finansinspektionen – Rapport n°44 « Most People Have Lost Money Trading Cryptocertificates »
(6) Finansinspektionen – « Four reasons not to buy cryptoassets »
https://www.fi.se/en/published/news/2024/four-reasons-not-to-buy-cryptoassets/
(7) Finansinspektionen – page d’information sur le règlement MiCA (en suèdois)
https://www.fi.se/sv/betalningar/kryptotillgangar/mica-forordningen/
(8) Gouvernement suédois – Prop. 2024/25:43 (Travaux préparatoires confirmant la FI comme autorité compétente)
https://regeringen.se/rattsliga-dokument/proposition/2024/10/prop.-20242543
(9) Chambers Guide – Blockchain 2025: Sweden
https://practiceguides.chambers.com/practice-guides/blockchain-2025/sweden
(10) AEMF – MiCA Supervisory Briefing (autorisation des PSCA)
https://www.esma.europa.eu/document/supervisory-briefing-authorisation-casps-under-mica
(11) AEMF – Interim MiCA Register (Databases and Registers)
https://www.esma.europa.eu/publications-and-data/databases-and-registers
(12) AEMF – MiCA Consultation Paper on market abuse and investor protec-tion
(13) AEMF – Consultation on staff knowledge and competence under MiCA
(14) Finansinspektionen – AML/CFT supervision overview
https://www.fi.se/en/bank/money-laundering/
(15) Divly – Sweden Crypto Tax Guide
https://divly.com/en/guides/sweden
(16) TokenTax – Aperçu de la fiscalité des cryptomonnaies en Suède
https://tokentax.co/blog/crypto-tax-sweden
(17) CJUE – Skatteverket c/ Hedqvist, C-264/14
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=170305&doclang=FR
(18) Parlement suédois – Loi sur la confiscation 2024 (SFS 2024:782)
(19) Parquet suédois – Lignes directrices relatives à la confiscation sans condamnation (Brottsvinster och oförklarade tillgångar)
(20) Ministère suédois de la Justice – Prop. 2023/24:144 (Travaux préparatoires relatifs à la loi sur la confiscation)
KATARINA BOHM HALLKVIST
Le 18 juillet 2025 a été promulguée la loi « Guiding and Establishing National Innovation for U.S. Stablecoins Act (GENIUS Act) » qui établit le premier cadre fédéral pour la régulation des stablecoins de paiement aux États-Unis (1). Cette loi apporte enfin la clarté juridique tant attendue dans un domaine jusqu’ici régi par des règles étatiques disparates et des pratiques métiers informelles.
Principales dispositions de la loi GENIUS. Les stablecoins (jetons de valeur stable) sont des jetons numériques adossés à des monnaies fiduciaires comme le dollar américain, conçus pour faciliter des paiements en les rendant plus rapides et moins coûteux (2). La loi GENIUS autorise les banques et les institutions financières non bancaires à émettre des stablecoins de paiement, à condition d’obtenir une approbation fédérale préalable et de se soumettre à une supervision continue (3). Dans ce cadre, les exigences principales à satisfaire sont les suivantes :
- couverture intégrale des réserves : les stablecoins doivent être adossés à 100 % à des actifs liquides, tels que des espèces ou des bons du Trésor américain, afin d’assurer leur stabilité et de réduire les risques (4);
- transparence vis-à-vis des consommateurs : les émetteurs fournissent des informations claires sur la manière dont les stablecoins sont garantis, les droits de rachat et d’autres données clés (5);
- interdiction des stablecoins algorithmiques : les stablecoins non adossés à des réserves tangibles, qui s’appuient sur des algorithmes pour maintenir leur valeur, sont interdits en raison de leur vulnérabilité (6);
- coordination fédérale-étatique : la loi établit un socle réglementaire fédéral tout en permettant aux entités régulées au niveau des États de fonctionner à l’échelle nationale si elles respectent les normes fédérales (7).
Ces règles visent à renforcer la confiance et à favoriser une adoption plus large des stablecoins.
Quelles conséquences pour les entreprises ? La loi GENIUS réduit l’incertitude juridique entourant les stablecoins, et il est désormais plus simple pour les entreprises d’accepter les paiements en crypto-monnaies en toute confiance. Les avantages sont nombreux : frais de transaction réduits, règlements plus rapides, transferts internationaux facilités, ce qui devrait particulièrement intéresser les entreprises internationales ou avec des volumes élevés de transactions. Cependant, ces avantages s’accompagnent de nouvelles obligations relatives à l’obtention de licences, au respect des règles KYC (Know Your Customer), et à la réalisation de déclarations fiscale. Les questions opérationnelles comme la gestion des portefeuilles, la comptabilité et la cybersécurité sont également essentielles. Même si les stablecoins sont moins volatils que d’autres crypto-actifs, des risques demeurent. Les entreprises devront former leurs équipes à la détection des fraudes et à la compréhension technique des paiements en crypto-actifs (8).
Paiements en stablecoins : marche à suivre. Pour mettre en œuvre des paiements en stablecoins de manière responsable, il est recommandé aux entreprises de :
- réaliser une analyse juridique et réglementaire approfondie ;
- choisir des prestataires de paiement fiables, qui offrent des solutions conformes ;
- définir des politiques internes pour la gestion des transactions et des enregistrements ;
- former les collaborateurs sur les risques, la prévention des fraudes et les bonnes pratiques ;
- suivre l’évolution de la réglementation et adapter les processus.
Conclusion. La loi GENIUS marque une étape majeure dans la régulation des actifs numériques aux États-Unis. Elle offre aux entreprises une feuille de route claire pour intégrer les stablecoins dans leurs systèmes de paiement, mais seule une stratégie mûrement réfléchie leur permettra de s’assurer de leur pleine conformité.
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(1) Congress.gov, S.1582 – GENIUS Act, https://tax.thomsonreuters.com/blog/how-the-genius-act-impacts-stablecoin-tax-and-accounting-reporting-standards/h Congress (2025-2026): GENIUS Act | Congress.gov | Library of Congress.
(2) Thomson Reuters, How the GENIUS Act impacts stablecoin tax and accounting reporting standards (June 27, 2025), https://tax.thomsonreuters.com/blog/how-the-genius-act-impacts-stablecoin-tax-and-accounting-reporting-standards/ans for tax and accounting professionals.
(3) Id.
(4) Id.
(5) Id.
(6) Id.
(7) Id.
(8) Samuel O’Brient, The Head of Crypto at Visa Tells Us Why the Payments Giant Isn’t Worried About Stablecoins, Business Insider (July 27, 2025), https://www.businessinsider.com/stablecoins-crypto-visa-emerging-markets-wmt-amzn-retail-consumers-2025-7
JENNIFER A. BECKAGE
Il n’y a pas si longtemps, la plupart des dirigeants des banques américaines étaient plutôt critiques à l’égard des cryptomonnaies, à l’image de Brian Moynihan, Président-directeur général de Bank of America, qui leur reprochait d’être un « outil intraçable pour le blanchiment d’argent » (1). Depuis, le vent a tourné. Avec le retour au pouvoir du président Trump en janvier 2025, les États-Unis ont profondément modifié leur approche en matière de réglementation des cryptomonnaies. Pour faire des actifs numériques un pilier du futur système financier américain, la politique du président Trump privilégie désormais la déréglementation, en s’appuyant sur l’innovation du secteur privé et en limitant l’intervention du gouvernement fédéral.
Trois jours seulement après avoir entamé son second mandat, Donald Trump a publié un décret intitulé « Strengthening American Leadership in Digital Financial Technology » (2). Ce décret a pour objectif de favoriser l’innovation et la croissance responsable des actifs numériques et de la technologie blockchain aux États-Unis par :
- la mise en place d’une politique de soutien à la croissance responsable et à l’utilisation des actifs numériques et des technologies blockchain ;
- la révision des directives antérieures des agences fédérales, afin d’alléger les contraintes réglementaires et de favoriser l’innovation portée par le secteur privé ;
- l’interdiction faites aux agences fédérales américaines de créer, d’émettre ou de promouvoir une monnaie numérique de banque centrale (« MNBC »), au nom de la protection de la vie privée et de la souveraineté financière.
Quelques mois plus tard, la loi GENIUS (« Guiding and Establishing National Innovation for U.S. Stablecoins Act ») (3) a été promulguée. Les principales dispositions de cette loi, qui a instauré le premier grand cadre réglementaire fédéral américain pour les stablecoins de paiement, sont les suivantes :
- seules les institutions de dépôt assurées (banques, coopératives de crédit) ou les entités financières non bancaires agréées peuvent émettre des stablecoins (4);
- les émetteurs s’engagent à maintenir un ratio de réserves de 1:1 en dollars américains ou en actifs liquides, à se soumettre à des audits réguliers et à respecter les obligations de déclaration prévues par le Trésor et la loi sur le secret bancaire (« Bank Secrecy Act »);
- les émetteurs non bancaires sont tenus d’obtenir une approbation fédérale et accepter de faire l’objet d’une supervision ; les émetteurs étrangers doivent, pour accéder au marché américain, se conformer à des normes réglementaires équivalentes ;
- les émetteurs de stablecoins s’interdisent de verser d’intérêts sur les stablecoins, afin de les distinguer des dépôts traditionnels ;
- la Banque centrale américaine (la Fed) n’est pas autorisée à émettre une MNBC.
En parallèle, un projet de loi Anti-MNBC (« Anti-CBDC Surveillance State Act ») (5) a été déposé en vue de renforcer l’interdiction d’une monnaie numérique fédérale en prohibant l’émission par la Fed d’une MNBC destinée au grand public. Ce texte a été adopté de justesse par la Chambre des représentants, mais son sort au Sénat reste incertain. Les pro-MNBC, opposés à ce projet de loi, défendent l’idée qu’une monnaie numérique de banque centrale consoliderait le leadership des États-Unis dans le domaine des monnaies numériques et contribuerait à la stabilité financière. Selon eux, une MNBC permettrait notamment de réagir rapidement en cas de panique bancaire ou de crise financière (6). A l’opposé, les anti-MNBC, favorables au projet de loi, mettent en avant la protection de la vie privée et le risque d’une surveillance accrue des dépenses des citoyens par le gouvernement (7).
Alors que la loi GENIUS se borne à mettre en place un cadre fédéral pour les stablecoins, le projet de loi CLARITY (« Digital Asset Market Clarity Act ») actuellement en discussion, vise plus largement l’organisation du marché des actifs numériques, en abordant notamment leur classification et la répartition des compétences entre les différentes autorités de régulation.
Si ce texte est adopté, la future loi CLARITY établirait un cadre réglementaire complet pour l’ensemble des actifs numériques. Elle préciserait les rôles respectifs de la SEC (autorité américaine des marchés financiers) et de la CFTC (régulateur américain des produits dérivés sur matières premières). Son objectif est de réduire l’incertitude juridique, de stimuler l’innovation et de favoriser l’adoption des technologies blockchain, tout en assurant la protection des consommateurs et l’intégrité des marchés.
Une question demeure : comment éviter que la croissance rapide du marché des monnaies numériques ne favorise le blanchiment d’argent et d’autres crimes financiers ? Pour répondre à ces enjeux, un groupe de travail présidentiel sur les marchés des actifs numériques a été créé. Sa mission est de fournir des orientations claires et d’éviter les chevauchements entre agences gouvernementales. Dans un rapport publié en juillet 2025, il a formulé plusieurs recommandations, aux termes desquelles il préconise la modernisation des exigences de déclaration prévues par la loi sur le secret bancaire, la clarification par le Congrès des responsabilités des acteurs en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, en particulier dans l’écosystème de la finance décentralisée (DeFi), ainsi que l’utilisation par la SEC et la CFTC de leurs pouvoirs existants, et ce pour faciliter le commerce des actifs numériques en apportant davantage de clarté sur l’enregistrement, le trading, la conservation et la tenue des registres (8).
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(1) Behind Wall Street’s Abrupt Flip on Crypto, Rob Copeland, New York Tines August 13, 2025, https://www.nytimes.com/2025/08/13/business/wall-street-banks-crypto-stablecoins.html?smid=nytcore-ios-share&referringSource=articleShare
(2) Executive Order 14178 https://www.whitehouse.gov/fact-sheets/2025/01/fact-sheet-executive-order-to-establish-united-states-leadership-in-digital-financial-technology/
(3) S394 – GENIUS Act of 2025119th Congress (2025-2026), https://www.congress.gov/bill/119th-congress/senate-bill/394/text
(4) Stablecoins differ from other cryptocurrencies by design. Unlike typical cryptocurrencies that may experience volatile price swings, stablecoins aim for predictability by linking their value to a stable asset, such as the US dollar. Despite efforts to minimize fluctuations, risks persist, including the possibility of a stablecoin losing its peg and security vulnerabilities like hacking or phishing attacks
(5) Similar legislation has been debated in the past: U.S. House of Representatives, One Hundred Seventeenth Congress, Second Session, Sept. 20, 2022 at the Under the Radar: Alternative Payment Systems and the National Security Impacts of Their Growth Hybrid Hearing before the Subcommittee on National Security, International Development and Monetary Policy of the Committee on Financial Services https://www.govinfo.gov/content/pkg/CHRG-117hhrg48838/html/CHRG-117hhrg48838.htm
(6) Cryptocurrencies Phase III Examining the effects/implications of CBDCs, AI, and Zero-Knowledge Proofs in the cyber-fraud space along with other current trends and recent case rulings (2024) U.S. Homeland Security https://www.dhs.gov/sites/default/files/2024-09/2024aepphaselllcombattingillicitactivityutilizingfinancial.pdf
(7) CBDC Spells Doom for Financial Privacy, Nicholas Antony, The CATO Institute, https://www.cato.org/free-society/fall-2024/cbdc-spells-doom-financial-privacy#:~:text=For%20decades%2C%20lawmakers%20and%20unelected,expanded%2C%20in%20the%20digital%20age
(8) Fact Sheet: The President’s Working Group on Digital Asset markets Releases Recommendations to Strengthen American Leadership in Digital Financial Technology The White House July 30, 2025
JANICE F. MULLIGAN